Premier procès collectif intenté par des membres de familles contre le travail forcé sous le régime franquiste. Ils ont tout construit, des routes aux monuments tels que le Valle de los Caídos, (la Vallée des morts), dans des conditions d’esclavage. On estime à plus de 15 000 le nombre de personnes ayant intenté une action en justice.
Un an après l’approbation de la loi sur la Mémoire démocratique, les descendants navarrais de prisonniers républicains ont décidé d’élever la voix et ont déposé la première plainte collective pour travail forcé sous le régime franquiste devant le tribunal d’Aoiz (Navarre). Il s’agit d’une douzaine de familles dont les parents ou grands-parents ont été prisonniers du côté républicain entre 1939 et 1942 et ont travaillé à la construction de la route reliant les vallées de Roncal et de Salazar dans les Pyrénées navarraises.
À cette époque, les prisonniers qui n’avaient pas été accusés de crimes graves contre le régime, ceux que l’on appelait les « désaffectés », étaient organisés en bataillons dans les différents camps de concentration que le régime franquiste possédait dans toute l’Espagne. Pour eux, la peine n’était pas seulement une privation de liberté, mais aussi une prison à ciel ouvert où ils étaient contraints de travailler à la construction de routes et d’infrastructures pour l’État.
NO-DO [1] les présente ainsi : « Leurs journées de prisonniers sont consacrées à l’apprentissage de tâches qui font d’eux des êtres utiles, qui les rachètent de leur existence de parias ».
Balen Esteban, porte-parole et fils d’une victime du travail forcé sous le régime franquiste, estime que le gouvernement avait « planifier » ce crime : « Les premiers mois d’hiver ont été horribles : beaucoup de gens sont tombés malades parce qu’ils étaient sous des tentes ». Balen Esteban raconte que son père n’aimait pas parler de cette époque, mais qu’il voulait que les gens sachent ce qu’ils faisaient avec des travailleurs comme lui. Le froid, la faim, la soif et les violences physiques étaient le pain quotidien. En contrepartie, ils construisaient des routes et des infrastructures pour l’État et l’Église.
La plupart des prisonniers sont morts là-bas, et ce sont donc leurs familles qui se battent aujourd’hui pour eux, comme le dit Balen Esteban : « Ce que nous voulons, c’est la justice et la réparation. Nous voulons que la vérité soit connue, une vérité historique ».
Bien entendu, le cas de Navarre n’est pas un cas isolé, comme le reconnaît Sabino Cuadra, représentant du Comité de coordination de l’État pour le soutien de la plainte argentine (CEAQUA) [2] : « Depuis que la plainte a été rendue publique, nous n’avons pas cessé de recevoir des appels de personnes intéressées qui se sont trouvées dans d’autres espaces similaires ».
Pourtant, il y a quinze jours à peine, un juge de Barcelone a rejeté la plainte pour torture au motif que les faits étaient prescrits et amnistiés.