Année électorale mouvementée en Espagne : après la défaite des socialistes aux municipales en mai 2023, le Premier ministre Pedro Sanchez a avancé la date des élections générales (prévues initialement en décembre) au 23 juillet. Tous les avis des « experts et analystes politiques » lui prédisaient une nouvelle déroute avec des sondages prévoyant un retour en force du Parti Populaire (PP, droite conservatrice), avec dans ses bagages VOX, le parti d’extrême-droite.
Résultat des courses, si la droite a bien gagné, c’est une victoire étriquée.
Finalement VOX a effrayé une partie des électeurs avec son programme anti-avortement, anti LGBT+, anti-immigration. Dans le même temps, le sursaut de l’électorat de gauche permet à Pedro Sanchez d’espérer rester aux commandes du pays. L’équation est la suivante : la majorité absolue requise aux Cortes (équivalent de notre Assemblée nationale) est de 176 sièges, or le PP n’en a décroché que 136 ; même si on y ajoute les 33 obtenus par VOX, on n’arrive qu’à 169 : trop court.
Au contraire, si le PSOE n’obtient lui, que 122 sièges, il dispose d’une réserve de voix plus importante avec les 31 sièges de son allié SUMAR, plus les 6 sièges des partis indépendantistes basque (Bildu) et surtout catalans (ERC : 7 sièges et JUNTS : 7 sièges également), ce qui donnerait à Sanchez 173 sièges au total ; mieux que le PP d’Alberto Feijóo, mais toujours pas de majorité absolue.
De nouvelles élections à prévoir ?
Tambouille électorale
Pour résumer, Sanchez a perdu les élections en nombre de voix, mais est quand même mieux placé pour former un nouveau gouvernement si … si les négociations avec ses possibles alliés aboutissent. Elles ont déjà commencé avec Yolanda Diaz dirigeante du parti SUMAR qui lui a présenté son « cahier de charges » :
réduction des horaires de travail sans diminution de salaire
contrôle du prix des loyers
obligation pour les banques de faciliter les emprunts immobiliers (avec
des taux fixes plutôt que variables)
abrogation de la « Loi Baillon » (Ley Mordaza) …
Autant de sujets que le PSOE a bloqué sous le coude depuis qu’il est au pouvoir.
Indépendantistes : le caillou dans la chaussure
Quant aux négociations avec les partis indépendantistes ça va être de la haute voltige, surtout avec les partis catalans et notamment JUNTS (Ensemble). Au programme, la libération des derniers députés de la Generalitat arrêtés en 2019 pour « sédition », de même que le retour de Carles Puidgemont poursuivi pour avoir organisé en 2017 un référendum interdit sur l’indépendance de la Catalogne, et obligé de s’exiler en Belgique. Toujours au programme, l’extension des droits institutionnels et économiques déjà concédés par l’État central à la Catalogne.
Du côté des organisations de classe
Comme le déclare la CGT espagnole (anarcho-syndicaliste), une chose est sûre : comme d’habitude, le résultat des élections n’a pas pour but d’améliorer la situation des travailleurs. Et ce serait une erreur de penser que l’extrême-droite a vraiment reculé par rapport à ses résultats aux municipales de mai dernier. Si VOX ne fera pas partie du prochain gouvernement, son message de haine envers les migrants, les féministes, les LGBT+ continue d’être martelé pour le plus grand bonheur des nostalgiques du franquisme (à noter d’ailleurs que VOX plutôt que de se référer à Franco, invoque plus volontiers la mémoire de José Antonio Primo de Rivera créateur de la Phalange, parti fasciste espagnol calqué sur le parti fasciste italien de Mussolini).
Nos camarades anarcho-syndicalistes espagnols nous le rappellent : le gouvernement socialiste a montré en plus d’une occasion qu’il privilégiait le patronat et les intérêts capitalistes, plutôt que ceux de la classe ouvrière. La « Loi Baillon » (Ley Mordaza) instaurée par le PP (droite) a été maintenue par le PSOE quand il est arrivé au pouvoir, et rien ne semble indiquer qu’elle sera abolie. Privatisation en vue des services publics (éducation, santé, transports et beaucoup d’etc.)
Dans sa gestion économique, il a montré plus d’une fois qu’il privilégiait le patronat et les intérêts capitalistes plutôt que ceux de la classe ouvrière. Il est vrai que comme parti socialiste, il ne se déclare pas anti-capitaliste, mais ça on s’en est aperçu depuis longtemps en Espagne comme en France et ailleurs.
Occasion de rappeler que les changements de société ne seront pas obtenus par de quelconques élections législatives mais par des luttes radicales dans la rue et dans les entreprises.
La lutte, seul chemin pour l’émancipation sociale.
Ramón Pino
Groupe anarchiste Salvador Seguí
Article publié dans le Monde libertaire de septembre 2023