En Espagne, les forces réactionnaires n’hésitent plus à montrer les crocs et à s’afficher dans les rues. La raison ? Si les dernières élections législatives de juillet ont vu la victoire de la droite (le Parti Populaire de Feijóo), Pedro Sanchez le leader du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol resterait Premier ministre grâce au soutien de certains partis indépendantistes notamment catalans. Comment Sanchez s’est-il débrouillé pour obtenir ce soutien ? En échange d’une loi d’amnistie pour tous les organisateurs du référendum de 2017 en Catalogne. Référendum sur l’indépendance de la Catalogne, référendum qui a eu lieu bien qu’interdit par l’État central. Conséquence : députés catalanistes emprisonnés ou en exil (comme Carles Puidgemont réfugié en Belgique). Cette loi d’amnistie promise au parti Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) plus l’ouverture de négociations pour la « reconnaissance de la Catalogne comme nation » a permis à Sanchez de se maintenir au pouvoir grâce aux voix des 7 députés catalans, mais a provoqué la fureur des partis de droite (PP) et d’extrême-droite (VOX) qui ont appelé à des manifestations contre cette loi d’amnistie.
Non à l’apologie du fascisme !
Ces négociations entre gouvernement et partis indépendantistes pour un accord sur la loi d’amnistie ont servi de prétexte aux groupes d’extrême-droite pour relancer l’apologie du fascisme. Les camarades anarcho-syndicalistes de la CGT espagnole n’ont pas manqué de réaffirmer leur opposition absolue et déterminée à ces groupes dont les intérêts vont à l’encontre de ceux de la classe ouvrière. Ils dénoncent le fait que depuis des années les gouvernements, qu’ils soient de droite (PP) ou de gauche (PSOE), ont laissé s’exprimer librement dans la rue l’extrême-droite et ses symboles, ses saluts et ses chants fascistes, en même temps que la répression étatique, avec ses violences policières et ses poursuites judiciaires s’exerçait, contre les mouvements sociaux.
L’amnistie est un recours légal utilisé par les gouvernements en fonction de leurs intérêts (notons que celle de 1976 qui absout les crimes perpétrés sous la dictature de Franco est toujours en vigueur). Ces dernières années le PP s’en est servi pour amnistier entrepreneurs fraudeurs et politiciens corrompus ; le PSOE y a eu donc maintenant recours pour concrétiser son accord avec le partis indépendantiste catalan et obtenir en échange son soutien lui permettant de rester au pouvoir.
D’où la colère du PP et de VOX qui ont donc lancé leur appel contre cet accord « mettant en péril l’unité de la nation ». Depuis le 12 novembre, des dizaines de milliers de personnes se sont ainsi rassemblées dans les plus grandes villes d’Espagne et notamment à Madrid devant le siège du PSOE au cri de « Sanchez, trahison », « Sanchez, en prison ».
No Pasarán !
VOX n’hésite pas à appeler à une mobilisation permanente pour éviter le « coup d’État » que représente l’accord entre les socialistes et les indépendantistes. Venant de la part des héritiers politiques de Franco, cette alerte au « coup d’État » ne manque pas de sel ! Et puisqu’on parle de coup d’état, notons que parallèlement à ces gesticulations de VOX, quelques cinquante militaires à la retraite ont publié un manifeste pour réclamer la destitution de Pedro Sanchez. Ces militaires sont principalement d’anciens officiers et chefs de l’armée, membres de l’Association des Officiers Militaires (AME), cette même association qui, en 2018 avait déjà publié un manifeste justifiant le coup d’État militaire du 18 juillet 1936 contre la République. Coup d’État quand tu nous tiens …
Aujourd’hui comme hier, la lutte antifasciste est une lutte pour la liberté. Aujourd’hui comme hier le fascisme progresse si on ne le combat pas. Aujourd’hui comme hier : No Pasarán !
Ramón Pino
Groupe Salvador Seguí
Article publié par Le Monde libertaire le 20 novembre 2023