Crise climatique : l’Espagne entre en déficit écologique

lundi 20 mai 2024, par Pascual

Crise climatique Overshoot Day : l’Espagne entre en déficit écologique

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Ce 20 mai marque le Jour du dépassement des capacités de la terre en Espagne, ce qui signifie que le pays a déjà consommé la limite de ressources naturelles par an que la planète peut régénérer. Il y a un jour par an où l’ensemble d’un pays, avec ses secteurs économiques et la consommation de sa population, dépasse la limite de ce que la Terre peut générer.

Nous parlons du moment où le territoire concret de la Terre aurait consommé toutes les ressources naturelles qui correspondraient à toute l’année, ce qui inclut l’eau, les aliments, l’énergie et les matières premières. En d’autres termes : si toute l’humanité consommait comme le fait le pays en question, la planète entrerait en déficit écologique ce jour-là. En Espagne, cette date tombe le 20 mai.
Connu sous le nom de Overshoot Day ou Jour du dépassement des capacités de la terre, cette date est attribuée par le think tank indépendant Global Footprint Network, organisme qui calcule annuellement la date pour chaque pays, ainsi que la date mondiale, qui sera annoncée le 5 juin prochain et qui l’année dernière est tombée le 2 août.

Dans le cas de l’Union européenne (UE), Jour du dépassement des capacités de la terre a été atteint le 3 mai dernier

Plus précoce dans les pays développés — consommateurs de plus de ressources — et plus tardif dans les pays moins développés, cette année, le jour où l’Espagne est entrée en déficit écologique a été légèrement avancé par rapport à l’année dernière. Si en 2023, c’était le 25 mai, cette année, ce sera cinq jours plus tôt.

Un système inviable

« Il est de la plus haute importance de limiter l’utilisation indiscriminée des matériaux et de l’énergie pour s’adapter à la capacité de régénération de notre planète », souligne Adriana Espinosa, responsable des Ressources naturelles et des déchets des Amis de la Terre. « Le système actuel est totalement inviable pour soutenir la vie sur Terre », déplore-t-elle.
Cette organisation dénonce que l’empreinte matérielle de l’UE, c’est-à-dire la quantité totale de combustibles fossiles, biomasse, métaux et minéraux utilisés — importations incluses — double les limites qui pourraient être considérées comme sûres et durables. C’est pourquoi Espinosa demande de ne pas prendre de « mesures cosmétiques » et appelle les 27 à abandonner le dogme de la croissance illimitée : « Il est utopique de croire que nous pouvons continuer à consommer au rythme actuel sans qu’il y ait des conséquences sociales et environnementales désastreuses ».

Alors que les 1,2 milliard de personnes les plus pauvres ne sont responsables que de 1 % de la consommation mondiale, le milliard de personnes les plus riches consomment 72 %

Dans le cas de l’UE, le J Jour du dépassement des capacités de la terr a été atteint le 3 mai dernier. Ce jour-là, un mois avant les élections européennes, 317 organisations de la société civile ont publié une lettre ouverte aux autorités européennes et aux chefs d’État des 27, leur demandant de « prendre une position politique de haute priorité face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution, compte tenu des impacts dévastateurs et de l’intensité et de la fréquence croissantes des événements climatiques pour les écosystèmes, la santé, les économies, la justice sociale et la cohésion ».
Parmi les mesures proposées pour suivre cette voie régénératrice, il y a la nécessité de renforcer et d’accélérer un Pacte Vert, aujourd’hui menacé par les gouvernements conservateurs et ultra-conservateurs de l’UE, ainsi que par l’instabilité géopolitique et les guerres comme les invasions de l’Ukraine et de la Palestine. Ils prônent également de « radicalement augmenter les investissements publics dans le climat, l’environnement et la société » et de « renforcer la gouvernance de l’UE, la démocratie et la participation effective de la société civile ».

Un milliard consomme 72 % des ressources

L’indice élaboré par le Global Footprint Network met en lumière comme peu d’autres les inégalités qui découlent du système économique actuel : alors que les 1,2 milliard de personnes les plus pauvres ne sont responsables que de 1 % de la consommation mondiale, le milliard de personnes les plus riches consomment 72 %.
Loin de s’améliorer, la tendance historique n’indique pas pour le moment que l’humanité va inverser la situation, surtout si l’on considère que le déficit écologique s’accumule d’année en année. Si en 1971 l’humanité consommait les ressources équivalentes à celles disponibles sur la planète, en 2023, il faudrait 1,75 planète Terre pour approvisionner l’humanité à son rythme actuel sans provoquer de déficit écologique.
Les Amis de la Terre préconisent d’adopter un objectif contraignant pour réduire l’empreinte matérielle au niveau national Dans le cas de l’Espagne, il faudrait disposer de deux planètes et demie pour que la consommation actuelle soit durable, raison pour laquelle les organisations écologistes réclament du gouvernement qu’il se mette au travail et établisse des mesures permettant de réduire la consommation de ressources minérales et la génération de déchets.
Concrètement, les Amis de la Terre préconisent d’adopter un objectif contraignant pour réduire l’empreinte matérielle au niveau national, accompagné d’un plan avec des mesures concrètes pour y parvenir, ainsi que de mettre en œuvre la Directive pour le droit à réparer, approuvée par les institutions européennes en avril de cette année.
« Prolonger la durée de vie des produits, faciliter leur réutilisation et réparation, sont des mesures concrètes qui peuvent déjà être adoptées, mais qui doivent l’être dans le cadre d’un changement de paradigme qui cesse de gaspiller les ressources naturelles et priorise la justice sociale et environnementale », souligne Espinosa.

Pablo Rivas
Coordinateur du climat et de l’environnement du journal espagnol El Salto.

Traduction : Daniel Pinós

https://www.elsaltodiario.com/cambio-climatico/overshoot-day-espana-deficit-ecologico