Valle de los Caídos. Franco parti, les curés et les militaires sont toujours là

dimanche 4 septembre 2022, par Pascual

Valle de los Caídos

Une congrégation religieuse vit illégalement au Valle de los Caídos

El Valle de los Caídos (en français : la vallée de ceux qui sont tombés) est un monument espagnol de l’époque franquiste, situé sur la commune de San Lorenzo de El Escorial dans la Communauté autonome de Madrid. C’est bien plus qu’une croix monumentale, haute de 150 mètres, surplombant un monastère et une basilique. Le Valle de los Caídos, au nord-ouest de Madrid, est le monument par excellence de la dictature franquiste. Construit en 1940, pierre après pierre, sur ordre du général Franco, par 20 000 prisonniers politiques réduits en esclavage, il n’avait pas d’autre ambition que de sacrer la victoire du national-catholicisme sur la République espagnole.
Par la suite, en 1958, le Caudillo décida d’en faire un mausolée pour l’ensemble des combattants morts durant la guerre civile y compris les combattants républicains, pourvu qu’ils fussent catholiques. Ainsi, près de trente-cinq mille combattants, principalement des nationalistes mais aussi des républicains, reposent dans la crypte.
L’accord entre l’État et l’abbaye bénédictine de Silos, qui réglementait depuis 1958 la présence de cette congrégation religieuse au Valle de los Caídos a expiré depuis 2020. L’accord n’a pas été renouvelé par l’État en respect de la huitième disposition additionnelle de la loi 40/2015 sur le régime juridique du secteur public. La convention entre l’État et l’abbaye bénédictine de Silos est arrivée à échéance.
Le 29 mai 1958, l’accord entre la Fondation de la Sainte-Croix du Valle de los Caídos et l’abbaye bénédictine de Silos a été signé à Madrid. L’accord établissait qu’un groupe de Bénédictins du monastère de Silos s’installerait au Valle de los Caídos pour une période indéfinie, accord qui serait renouvelé tant que les moines rempliraient les engagements contenus dans l’accord. Les bénédictins devaient veiller à ce que la congrégation regroupe au moins vingt moines avec leurs novices respectifs, célébrer une messe solennelle chaque année, pour tous les morts de la croisade, et prendre en charge la direction du Centre d’études sociales existant en ces lieux, gérer sa bibliothèque et élaborer des plans d’études.

Messe à la mémoire de Franco au Valle de los Caídos

L’Association pour la récupération de la mémoire historique appelle le ministre socialiste Félix Bolaños à faire face à ses responsabilités

L’Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH) a rappelé ce vendredi à Félix Bolaños, ministre socialiste de la Présidence et des relations avec le parlement, que les moines qui vivent dans le Valle de los Caídos y sont en situation irrégulière depuis le 2 octobre 2020. Ces moines, qui appartiennent à l’ordre religieux de Saint Benoît, ont été mentionnés dans une lettre de l’association envoyée à l’agence de presse Efe.

Dans ce communiqué, l’ARMH souligne qu’en octobre de cette année-là, l’accord passé avec les moines pour habiter la vallée a pris fin. En application de la loi de 2015 sur le régime juridique du secteur public, la lettre enregistrée auprès du ministère des Finances a pris fin à la date du 2 octobre 2020.
En février 2021, l’ARMH avait déjà envoyé une lettre au bureau du procureur général de l’État pour dénoncer la situation des moines. Le ministère public a finalement transféré cette lettre au Patrimoine national, qui dépend directement du ministère de la présidence et, par conséquent, de Félix Bolaños. À ce stade, l’association avait déjà déposé une plainte parce que le bureau du procureur agissait comme un « service de messagerie ». Ce que voulait l’association, c’était que les Bénédictins vivant dans la vallée soient « sanctionnés » et que « la légalité soit rétablie ».
Le président de l’Association pour la récupération de la mémoire historique, Emilio Silva, a indiqué que le gouvernement n’a que deux options. Soit elle les expulse du Valle de los Caídos conformément à la législation en vigueur, soit « il devra renouveler l’accord, qui n’est plus en vigueur. Sinon, il tergiverserait en ne respectant pas les lois qui l’obligent à prendre des mesures ».
Ainsi, Emilio Silva veut savoir quelles sanctions seront appliquées aux moines pour leur séjour illégal. Si les sanctions devaient être appliquées pour la célébration d’une messe le 18 juillet, cela constituerait une violation de la « loi 52/2007, alors que l’article 16.2 stipule qu’aucun acte de nature politique ou exaltant la guerre civile, ses protagonistes ou le franquisme ne peut être réalisé dans aucune partie de l’enceinte ».

Le ministre de la Présidence espagnole, Félix Bolaños, prononce un discours lors du 78e anniversaire de la Libération de Paris au Jardin des Combattants de la Nueve, Paris, France, 24 août 2022

L’armée espagnole est en terrain conquis au Valle de los Caídos

Le 26 mai dernier, un capitaine de l’armée a emmené ses troupes faisant partie de la XIIe brigade d’infanterie de Guadarrama (nom d’une grande bataille de la guerre civile remportée par les franquistes) au Valle de los Caídos afin que la bannière de cette unité reçoive une bénédiction.
Les images des soldats agenouillés dans cet espace d’exaltation franquiste ont circulé sur les réseaux sociaux. Genoux à terre et fusil en main, l’unité militaire a reçu la bénédiction d’un prêtre militaire. La cérémonie religieuse s’est déroulée sur les marches de l’édifice le plus emblématique du régime franquiste. Jusqu’à il y a deux ans et demi, jusqu’à son exhumation, le Valle de los Caídos était le mausolée du dictateur Franco et un point de rencontre pour ses partisans nostalgiques. Il n’abritait pas seulement la tombe du caudillo, mais aussi les restes de José Antonio Primo de Rivera, le fondateur de la Phalange espagnole et plus de 30 000 cadavres républicains non identifiés provenant de fosses communes qui s’y trouvent encore.

La XIIe brigade d’infanterie de Guadarrama durant l’évènement du 26 mai dernier au Valle de los Caídos

La présence d’une force militaire armée en uniforme, sous le commandement d’un capitaine sur l’esplanade du Valle de los Caídos et participant à un rituel illégal de bénédiction de son fanion par un aumônier catholique est un défi et constitue également un acte sans équivoque d’affirmation idéologique franquiste, raison pour laquelle le capitaine a choisi le Valle de los Caídos comme cadre de son aventure pleine de symboles.
Le gouvernement du PSOE et d’Unidas Podemos a déjà accumulé plus qu’assez de preuves sur l’empreinte de plus en plus puissante de l’ultra-droite, à tous les niveaux de commandement et dans toutes les unités et dépendances des forces armées, c’est pourquoi il convient de se demander quelles sont les véritables raisons qui poussent le gouvernement socialiste à ignorer ce qui n’est rien d’autre qu’un authentique mouvement de rébellion militaire, qui va même à l’encontre des principes fondamentaux de la Constitution espagnole, dont « le gouvernement le plus progressiste de l’histoire » prétend paradoxalement être l’ultime garant.

Daniel Pinós