Vague de grèves en novembre

lundi 6 décembre 2021, par Pascual

Avec la grève des métallurgistes de Cadix comme épicentre de la lutte des classes, des dizaines de conflits syndicaux commencent à s’étendre aux quatre coins de l’État espagnol, malgré la passivité des bureaucraties syndicales. Pendant ce temps, le gouvernement « progressiste » continue d’envoyer la police et les chars pour réprimer les métallurgistes.

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Novembre a été un mois de luttes syndicales, de Cadix à Euskal Herria en passant par Saragosse, Valence et les Asturies. Ces grèves ont été déclenchées alors que le gouvernement du PSOE (Parti socialiste) et d’Unidas Podemos a misé toute sa politique du travail sur le soutien aux entreprises par le biais des ERTE (une procédure par laquelle les entreprises peuvent licencier, suspendre les contrats de travail ou réduire les heures de travail de manière temporaire), en payant 70 % des salaires des travailleurs avec de l’argent qui sort de leurs propres poches.

Ces mêmes entreprises, qui ont été sauvées avec l’argent public en payant les salaires de leurs travailleurs par le biais des ERTE, sont les mêmes qui veulent aujourd’hui restructurer leurs effectifs avec des ERE (une procédure par laquelle une entreprise invoquant une « mauvaise situation économique » demande l’autorisation de suspendre ou de licencier des travailleurs) facilitées par les réformes du travail du Parti populaire (PP) et du Parti socialiste (PSOE). Des réformes que le gouvernement actuel et la ministre du travail Yolanda Díaz (une militante du Parti communiste) n’abrogeront pas.

L’économie capitaliste mondiale commence à grincer. Les pénuries de produits de base dans les pays occidentaux, la hausse des prix de l’essence, de l’électricité et du gaz, la crise des puces électroniques dans les entreprises technologiques, sont quelques-unes des conséquences d’un système économique qui ne peut pas croître éternellement et qui vit au prix de la misère de la majorité des travailleurs. L’État espagnol n’est pas étranger à cette dynamique, bien au contraire. Chacun de ces éléments a un impact sur la vie de la classe ouvrière et des classes populaires.

Dans un contexte de cherté de la vie, d’inflation (qui frôle déjà les 6 %), de chômage et de précarité, des secteurs de travailleurs, notamment les plus démunis, commencent à résister aux assauts des patrons qui multiplient les licenciements et la précarité. Mais ils ne se contentent pas de résister, ils se préparent également à exiger de manière offensive de meilleures conditions de travail.

L’exemple le plus proche est le conflit de Tubacex en Euskal Herria (Pays Basque), où les patrons voulaient licencier 129 travailleurs par le biais d’un programme de licenciements. Face à ce scandale, les travailleurs de l’entreprise se sont unis pour rejeter les licenciements et ont réussi à arrêter les patrons après 232 jours de grève, bien qu’ils aient dû faire des concessions aux patrons. Il faut parler aussi de la lutte des travailleurs d’Airbus Puerto Real contre la fermeture de l’usine, qui a été l’un des points de ralliement de tout le secteur métallurgique de Cadix, malgré la trahison des CCOO (Commissions ouvrières proches du Parti communiste) et de l’UGT (Union générale des travailleurs), qui a conduit le conflit à la défaite.

Ce mois de novembre a été chaud. Nous sommes confrontés à une vague de grèves dans toute l’Espagne. Nous nous penchons sur certains d’entre eux.

Grève des métallurgistes (Cadix)

Le refus d’une amélioration des salaires lors de la négociation de la convention collective a conduit à un conflit dans un secteur à fort taux d’emploi temporaire. Le 16 novembre, les grands syndicats du secteur ont appelé à une grève illimitée, qui a été suivie par tous les travailleurs. Cet appel se comprend dans un contexte où Airbus Puerto Real se bat depuis des mois contre le démantèlement de l’industrie et la fermeture de son usine en particulier.
Après 8 jours de grève et de résistance des travailleurs après la répression policière, le gouvernement a militarisé le conflit, en envoyant des tanks et en armant la police de balles en caoutchouc contre les travailleurs.
La jeunesse étudiante et les habitants de Cadix ont manifesté leur soutien aux travailleurs, le mardi 23, une grève étudiante a été appelée. Cet appel n’a pas plu à la délégation gouvernementale, qui a d’abord envoyé un communiqué à tous les centres éducatifs pour tenter de boycotter l’événement.

Métal (Alicante)

Le conflit des métallurgistes s’est étendu également à la province d’Alicante, où deux journées de grève ont été appelées pour les 18 et 23 novembre. Cette grève est due à l’absence d’un accord dans lequel les travailleurs demandent une augmentation de salaire pour éviter de perdre du pouvoir d’achat en raison de la hausse de l’IPC (l’Indice des prix à la consommation).

SAD (Madrid)

Depuis le 1er novembre, des travailleuses de la SAD (Sociedad Anónima Deportiva) de toute l’Espagne campent devant le ministère du Travail. Ces travailleuses ont été considérées comme essentielles pendant la pandémie et ont convenu avec le secrétaire d’État à la santé d’une série de réunions pour répondre à leurs revendications. Après 10 mois de concertation, elles ont été de nouveau ignorées, SAD ne respecte pas les accords conclus le 28 décembre afin de résoudre le conflit.

Les travailleuses demandent la réduction de l’âge légal de la retraite car la charge de travail est trop lourde, l’application effective de la loi sur la prévention des risques professionnels et l’intégration au service public de l’aide à domicile, confiée par le gouvernement à de grandes entreprises privées.

Inditex (Zaragoza)

90 % de la main-d’œuvre d’Inditex à Saragosse, un important centre de distribution de la marque, a fait grève pour réclamer une amélioration de la convention collective. Environ 1 400 travailleurs se sont arrêtés pendant 2 heures. La réussite de la journée de mobilisation et d’organisation du personnel est une réponse forte à l’immobilisme de l’entreprise pendant 7 mois durant la négociation de l’accord d’entreprise.
Avec cette grève massive, toute la chaîne de distribution a été paralysée. Les travailleurs dans les voitures, l’un après l’autre, ont klaxonné les managers, qui ont fini par courir dans les rues avec des colis dans les bras dans un effort futile pour faire sortir les vêtements de l’entreprise.

Otis (Leganés)

Dans l’entreprise d’ascenseurs, les travailleurs de tout l’État ont organisé une grève du 22 novembre au 9 décembre pour lutter contre la délocalisation de l’entreprise, qui détruit des emplois et augmente ainsi la charge de travail. Une autre demande concerne la sécurité des travailleurs et des utilisateurs, car il n’y a pas assez de temps pour effectuer des inspections régulières des ascenseurs. Et enfin, ils demandent que la réconciliation familiale soit assurée et que la déconnexion numérique soit respectée.
À Leganés, Gran Canaria, Euskal Herria et dans d’autres endroits en Espagne, la grève a été soutenue.

Pilkington (Sagunto)

Les travailleurs de Pilkington, à Sagunto, ont été en grève depuis le 22 novembre jusqu’au 3 décembre contre l’ERE de 116 travailleurs. Les employeurs veulent profiter de la pénurie de puces dans le secteur automobile pour réduire les effectifs. L’entreprise fournit du verre trempé à un certain nombre de grands constructeurs automobiles tels que Mercedes, Peugeot, Ford et Renault, entre autres.
Après le premier piquet de grève du lundi 22, les travailleurs se sont rendus à Madrid pour se rassembler devant le ministère de l’Industrie contre le « démantèlement du secteur ». Une manifestation a été convoquée à Sagunto pour défendre l’emploi, contre la fermeture d’industries et pour un plan visant à revitaliser l’un des moteurs économiques de la région.

Alu ibérica – anciennement Alcoa – (La Corogne)

Dans les Asturies et à La Corogne, les travailleurs qui attendent depuis des années une intervention du gouvernement dans les usines se sont mobilisés en novembre pour exiger une solution à leur situation. Les travailleurs affirment qu’ils n’ont pas été payés depuis deux mois et qu’ils se trouvent dans une situation critique.
Les agents de nettoyage du musée Guggenheim de Bilbao sont en grève depuis plus de 166 jours contre les conditions de travail déplorables auxquelles ils sont soumis. Ils demandent l’élimination de l’écart salarial existant dans le secteur du nettoyage du musée et une amélioration des salaires. Le musée lui-même ne reconnaît pas l’écart salarial et refuse donc de négocier de meilleures conditions de travail.

Secteur du nettoyage (Castellón)

Quelque 8 000 agents de nettoyage de l’hôpital général, des écoles, de l’université Jaume Primero et des bâtiments et locaux ont entamé lundi 22 novembre une grève illimitée suivie par un grand nombre de personnes. Le conflit a éclaté pour la défense d’un accord décent et face à la perte de droits.
Le secteur a également appelé à un rassemblement pour rendre la lutte visible et marquer le début de la grève illimitée. Avec une inflation de l’IPC de 5 % et avec une proposition sans augmentation de salaire de la part des patrons, une grève dans le secteur était nécessaire.

Et de nombreux autres secteurs...

Il y a de plus en plus de secteurs et d’entreprises en lutte qui luttent contre des causes multiples dérivées de la précarité et de la crise économique liées au Covid, comme A Mariña à Lugo, la Santé à Madrid, Ecoespacio et Novaltia en Biscaye, cette dernière avec plus de 851 jours de grève, les supermarchés en Castille et Léon, les pompiers forestiers dans la Communauté valencienne.

Coordination et plan de lutte

Face à un gouvernement qui se dit « progressiste », mais qui est le conseil d’administration de l’IBEX35 (indice boursier espagnol, l’équivalent du CAC40), et à une bureaucratie syndicale conservatrice qui ne veut pas quitter le « pacte social » avec la CEOE (l’organisation patronale) et le ministre du Travail, une opposition commence à émerger au sein des secteurs les plus avancés de la classe ouvrière, ainsi que de la jeunesse étudiante et universitaire contre les lois Castells.

Il est nécessaire de coordonner toutes ces luttes afin de lutter pour un programme qui offre une issue à la souffrance de la classe ouvrière et des secteurs populaires, ce qui commence par soutenir les luttes d’action de solidarité et de soutien, par la mutualisation des fonds de résistance et la dénonciation de la répression du gouvernement. La promotion d’assemblées démocratiques qui vont au-delà des méthodes des bureaucraties syndicales, dans lesquelles tous les travailleurs décident du plan de lutte à poursuivre, est l’une des clés.

Un programme qui doit défendre comme exigences minimales essentielles l’abrogation totale des réformes du travail des anciens présidents José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE) et Mariano Rajoy (PP), la répartition du temps de travail sans réduction de salaire, un salaire minimum de 1 500 euros et la mise sous contrôle ouvrier des entreprises qui ferment ou licencient, accompagnées d’un programme d’investissement public offensif et déterminé pour la création d’emplois et l’amélioration des services publics, surtout en matière de santé, d’éducation et de services sociaux.

Daniel Pinós