Sortie du n° 7 des Chroniques Noir & Rouge

vendredi 3 décembre 2021, par Pascual

Le n° 7 des Chroniques Noir & Rouge de décembre 2021 vient de paraître. En vente dans toutes les bonnes librairies, par correspondance et sur abonnement.

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L’éditorial de ce numéro :

Increvable anarchisme

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Vous découvrez le numéro 7 de nos Chroniques Noir & Rouge. Voici bientôt deux ans que notre publication a vu le jour et que nous donnons à connaître notre vision libertaire à partir de livres en prise avec un anarchisme historique, mais aussi avec un anarchisme toujours en mouvement et toujours présent dans les pratiques libertaires. Nous vivons une époque où l’envahissante communication audiovisuelle nous rend passifs, limite le temps de la réflexion, le temps de construire notre propre opinion et nous réduit à jouer le rôle de simples spectateurs, auditeurs, téléspectateurs. Les publications libertaires, au contraire, demandent du temps consacré à la lecture, exigent une réflexion sur la réalité et nous mettent au défi de débattre, dans nos cercles de vie, nos syndicats, nos associations et nos librairies...
L’anarchisme et le mouvement libertaire fondé sur les valeurs de liberté, d’égalité, d’action directe et d’entraide, représentent, depuis le XIXe siècle, l’une des grandes références idéologiques inspirant les révolutions politiques et sociales. Au XXIe siècle où le capitalisme mondialisé et financier s’est étendu à l’échelle planétaire comme modèle unique de société, cet increvable anarchisme reste toujours présent, même si de larges secteurs de la société l’ignorent parce que les pouvoirs en place se chargent de le faire taire, de le réprimer et de l’effacer de la mémoire sociale et collective.
Aux quatre coins du monde des mouvements sociaux agissent en mettant en pratique les idées libertaires, que ce soit dans la lutte contre le pouvoir, contre la répression, contre la réduction des droits et des libertés. Pensons à une séquence de mobilisations et de luttes qui comprendrait Paris en 1968, Berlin et la place Tiananmen en 1989, le mouvement antimondialisation à Seattle en 1999, Buenos Aires, Québec et Gênes en 2001, Athènes en 2008, la place Tahrir et le printemps arabe en 2011, le mouvement des Indignés en Espagne et Occupy Wall Street en 2011, les mobilisations contre la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, les Gilets jaunes à Commercy, l’organisation sociale au Rojava, la résistance des Indiens Mapuche et du Chiapas, les manifestations populaires à Hong Kong et au Chili...
Nous assistons à une véritable revitalisation des théories et des pratiques libertaires en adéquation avec les paramètres de la société actuelle, imprégnant la réalité personnelle, sociale, économique, politique, culturelle, historique, éducative, environnementale, technologique dans laquelle chacun de nous vit. L’anarchisme se régénère afin de rester vivant, au service d’une transformation, tant individuelle que sociale. Ce n’est pas un rêve inaccessible, mais simplement une réalité qui se matérialise jour après jour, à chaque instant quand des individus s’opposent à la domination, au pouvoir, à la soumission.
Les idéologies renforcent ou promeuvent le capitalisme et l’État (néo-libéral, social-démocrate, centraliste, totalitaire, nationaliste ou populiste), alors que l’anarchisme remet en question toutes ces options et opte pour une critique radicale du capitalisme et de l’État. L’anarchisme reste un instrument de lutte pour générer des résistances, des espaces alternatifs, de nouvelles formes de vie et d’autogestion basées sur des méthodes de prise de décision antihiérarchiques et antiautoritaires.
L’anarchisme du XXIe siècle fait son chemin sous une forme renouvelée, transformée et adaptée, par rapport à l’anarchisme classique du XIXe siècle. À quoi ressemblera l’anarchisme du futur ? L’anarchisme sera ce que les militants et les activistes de chaque époque, confrontés à chaque contexte voudront qu’il soit, en fonction de ce qu’ils seront capables de vivre et de développer. Si l’anarchisme se figeait, devenant un mode de pensée définitif, qui au fil du temps resterait intact dans son corps doctrinal et ses pratiques libertaires, il cesserait tout simplement d’être l’anarchisme.
Aujourd’hui, un mouvement libertaire jeune et combatif considère que la révolution se construit dans le présent, ici et maintenant, de manière continue et immédiate. Le mouvement anarchiste du XXIe siècle
présente un modèle d’organisation mutant, flexible, très éloigné d’une grande organisation unificatrice qui existait aux siècles précédents. C’est un ensemble pluriel de personnes, d’espaces, de propositions et de collectifs, divers, disjoints, polymorphes, instables et fluides.
Nous sommes en phase avec un projet libertaire qui se bat contre l’effondrement de notre écosystème avec des propositions d’autogestion, de démocratie directe, de fédéralisme, de solidarité et de soutien mutuel. Un projet qui donne un sens à de nouveaux concepts tels que la décroissance et la fin du capitalisme.
L’anarchisme doit jouer un rôle historique en s’engageant pleinement dans le combat pour une écologie sociale antiétatique et anticapitaliste. L’anarchisme cherche à transformer la société, non pas par la conquête du pouvoir et par l’électoralisme, mais par le fonctionnement horizontal, sans attendre que la révolution arrive, mais en la faisant et en la vivant au quotidien.

Daniel Pinós